lundi 16 mai 2011

Le Profil de Scripteur

Interview avec les créateurs

  
 
Nous sommes dans la cuisine des deux personnes que je m’apprête à interviewer. L’atmosphère est sereine, et pendant que Louise m’offre gentiment un café, Denis s’active autour de la cafetière. D’entrée de jeu, je leur demande de me parler de leurs formations et de leur travail.

Bizarrement, les deux ont la même réaction, se regardent et se mettent à rire. Louise m’explique qu’ils ont fait tellement de choses que de parler de leurs formations respectives fait en sorte que les gens sont étonnés de ce qu’ils racontent. Les deux ont des baccalauréats en enseignement, Louise en histoire et Denis en adaptation scolaire. Comme ils ont terminé leurs études au début des années 80, les emplois en enseignement au secondaire n’étaient pas nombreux. Ils sont donc retournés sur les bancs d’école afin d’aller chercher un autre diplôme, soit une mineure en linguistique, pour avoir la possibilité d’enseigner le français. Et les deux me disent qu’ils ont été choisis par le français, car ils y sont arrivés au fil du temps, ayant toujours obtenu des remplacements ou des contrats pour enseigner cette discipline. Avant son baccalauréat en adaptation scolaire, Denis avait déjà une mineure en intervention psychosociale, ce qui faisait qu’il avait un meilleur salaire, car dans ce temps-là, les enseignants du secondaire étaient payés non seulement en fonction de leur expérience, mais aussi en fonction de leur niveau de scolarité. Louise me précise que c’est encore le cas aujourd’hui, mais que le calcul du salaire se fait différemment. Denis a donc poursuivi ses études par la suite en faisant deux maitrises (une en éducation et une autre en littérature), il a commencé son doctorat en éducation, doctorat qu’il a dû mettre temporairement de côté pour suivre des cours en administration scolaire, car il est maintenant directeur d’une école primaire. Louise a poursuivi elle aussi des études en allant se chercher une mineure en intervention psychosociale, elle a aussi fait sa maitrise en éducation et a eu par la suite un diplôme en administration scolaire. Elle est aussi directrice, mais adjointe dans une école secondaire. Les deux ont occupé un poste de conseillers pédagogiques dans deux commissions scolaires différentes pendant quelques années.

Vient alors le but de mon entrevue, c’est-à-dire, le projet qu’ils ont mené sur un outil qu’on nomme Profil de Scripteur. Louise prend la parole et me dit qu’en 1994, Denis et elle avaient, en plus de leur tâche d’enseignement, une tâche de représentant de niveau auprès de la commission scolaire. Ils devaient participer à des rencontres avec le conseiller pédagogique de l’époque et créer des projets communs et rassembleurs sur toutes sortes de sujets touchant l’enseignement du français. Denis rajoute que ces projets étaient élaborés par l’équipe de représentants de niveaux de l’école et qu’ils étaient ensuite expérimentés par tous les enseignants de l’école. Une jour, raconte Louise, une élève est venue lui demander de corriger sa copie, car elle voulait savoir si son texte était correct.

«Je prends donc mon crayon rouge et je commence la correction. À mesure que je lisais son texte, je relevais les erreurs d’orthographe, de syntaxe et de ponctuation. La jeune fille me demande alors comment je faisais pour les voir, ces erreurs… Et c’est là que j’ai compris que si elle ne le savait pas, il y avait possiblement beaucoup d’élèves qui ne le savaient pas. Il n’en fallait pas plus pour que j’en parle à mes collègues. C’est devenu un projet des représentants de niveaux et j’en ai fait aussi mon objet de recherche de ma maitrise

Le Profil de Scripteur venait de prendre forme.

Denis m’explique qu’il y a aussi participé, à l’élaboration de ce profil, et à partir de ce moment-là, ils l’ont élaboré, expérimenté, présenté à d’autres collègues, à d’autres écoles et à d’autres commissions scolaires. Le Profil de Scripteur est un outil pédagogique où on amène l’élève non seulement à reconnaître ses erreurs, mais aussi à les nommer selon leurs catégories grammaticales. L’élève prend un temps aussi pour expliquer ses erreurs et les corriger. Louise me dit qu’ils ont réuni dans cette approche plusieurs formules pédagogiques comme la résolution de problème, l’analyse réflexive, le cognitivisme, le constructivisme et le  socioconstructivisme. Toutes ces formules pédagogiques prennent appui sur l’enseignement explicite où l’enseignant modélise les façons de faire avant de mettre les élèves en pratique guidée et en pratique autonome. Cela fait beaucoup de termes pour moi que je comprends peu et je leur demande s’ils peuvent me donner des exemples de ce qu’est le Profil de Scripteur… Denis me dit qu’en fait l’élève note ses erreurs dans un cahier Canada (Louise ajoute ou Québec selon l’allégeance politique), il regroupe ses erreurs selon un typologie adoptée par les enseignants de l’école, donne la règle ou la page du dictionnaire où se trouve le mot, explique son erreur par écrit et la corrige. «L’élève doit, par la suite, me dit Denis, faire le bilan de ses erreurs pour connaitre ses forces et ses difficultés et s’attaquer aux catégories qui lui posent problème.» Mais avant d’en arriver là, précise Louise, l’enseignant doit montrer aux élèves comment le faire; c’est ce qu’on appelle la modélisation. «Une fois que les élèves ont vu plusieurs fois comment on doit procéder, on les place ensuite en pratique guidée, c’est-à-dire qu’ils le font en équipe, avec l’aide de l’enseignant. Quand l’enseignant est certain que tous les élèves comprennent la procédure, ils le font en pratique autonome, donc seul. Ça, me dit Louise, c’est de l’enseignement explicite!»

Le Profil de Scripteur se retrouve donc dans les écoles de la région depuis 1994, précise Denis, et fièrement, il me dit que Louise est allée le présenter à Jonquière, à Montréal, à Terrebonne et à St-Eustache. C’est un outil qui est utilisé maintenant non seulement dans plusieurs écoles, mais aussi dans plusieurs commissions scolaires. Louise me dit aussi qu’il ne faut pas penser qu’ils ont révolutionné l’enseignement de l’écriture. «Toutes ces formules pédagogiques existaient et existent en dehors du Profil de Scripteur. La seule chose que nous avons faite, Denis et moi, c’est de rassembler ces formules pour en faire quelque chose de concret, autant pour les élèves que les enseignants.»


Louise me raconte que lorsqu’elle était conseillère pédagogique à la commission scolaire de la Rivière-du-Nord, une école secondaire a décidé de prendre le Profil de Scripteur comme étant le moyen pour augmenter le taux de réussite des élèves de la 5e secondaire à l’examen du ministère.

«L’école a donc formé un comité d’enseignants de français pour harmoniser les pratiques d’enseignement de l’écriture. Le Profil de Scripteur a donc été utilisé dans toutes les classes de français, de la 3e  à la 5e secondaire. En 2003, le taux de réussite des élèves au critère d’orthographe était de 28%; trois ans plus tard, le taux avait grimpé à 36%. On est encore loin du 60%, mais on a eu une progression, me raconte Louise.» Denis me dit aussi qu’on a maintenant une version informatique du PdS (Profil de Scripteur) puisque leur fils, Philippe, l’a présenté pour son projet intégrateur de sa technique en informatique.


Je ne vois pas très bien, leur dis-je, la distinction entre le PdS et le logiciel Antidote. Louise me dit que la seule nuance entre les deux, c’est que Antidote, malgré le fait que ce soit un très bon outil, n’amène pas l’élève à expliquer ses erreurs, même s’il a à faire un choix pour mettre le bon mot. «C’est l’analyse réflexive que fait l’élève qui est porteuse de sens, c’est cette analyse qui fait en sorte que l’élève est capable, ensuite, de reconnaître le type d’erreur qu’il commet. Et ça, Antidote ne peut le faire.»

Le temps file, et ils doivent maintenant partir… Je les remercie beaucoup du temps qu’ils m’ont accordé et je leur souhaite longue vie au Profil de Scripteur.

Il n'y a pas vraiment de liens à donner étant donné que c'est un projet qui ne se distribue pas encore sur l'internet, mais si vous êtes intéressé à en savoir plus sur le sujet, nous vous invitons à contacter les créateurs via leurs courriels, afin d'en savoir plus ou bien pour acheter ce futur logiciel !


Denis et Louise
Louise-I. Couture : louise_isabelle@hotmail.com

DenisCharbonneau : denis_l_charbonneau@hotmail.com

Christian Tavernier : tavernierc@csrdn.qc.ca


Caroline C.Charbonneau